- rime
- Rime, f. penac. Est consonance en terminaison finale de deux ou plusieurs vers mesurez entiers ou brisez, s'entresuyvans ou intervallez, comme, Des grands forests la frayeuse espaisseur, Toy Dieu devant, m'estoit claire lueur. et, Aux assaults qu'elle me livre, Ne puis vivre, et, Comme en ces temples devots, et comme si toutes choses, Pesle mesle estoient rencloses Dedans leur premier caos, Laquelle rime est usitée és poëmes des langues vulgaires, Françoise, Espagnole, Italiene et autres de telle facture. On tient ce mot venir de ce Grec {{t=g}}rhuthmos.{{/t}} Lequel signifie aussi consonance et mesme son de terminaison et cadence de deux ou plusieurs membres d'un periode, et selon cela il faudroit l'escrire par y Grec, Ryme. Car de dire qu'il vienne de {{t=g}}Arithmos,{{/t}} qui signifie nombre, pource que certain nombre de syllabes est observé, retenu et suyvi en telles Rimes, cela n'approche en rien la signification que nous donnons à ce mot Ryme, et pour ce regard il ne se faudroit despartir dudit mot {{t=g}}rhuthmos,{{/t}} car il signifie aussi nombre. Selon ce on dit escrire en rime, Rythmice scribere. Aucuns disent que les anciens poëtes Provensaulx ont voulu donner à entendre que c'est que Ryme, par ces deux mots couplez ensemble, son et mot; et alleguent à ceste fin Pierre d'Auvergne en une de ses chansons: Cui bon vers agrad'ausir, De mi conseilh he que 'l escout, Aquest que ora comens à dir, que pos li er'sos cors assis, Deu ben entendre 'l son e 'ls mots: Et Arnauld Daniel en une sienne chanson: Mas amors mi assauta, Qu'ils mots ab lo son accorda: Et Jaufré Rudel, aussi en une sienne chanson: No sap chantar qu'il so non dis, Ni vers trobar qu'ils mots non fa. Et ce vers de Aymeric de Belenuci: Per ço non puese mots ni sos accordar, Laquelle opinion n'est pas sans raison. Rime en ce proverbe François, Il n'y a rime ne raison, signifie verisimilitude, suyte, illation, ordre, consequence, convenance, correspondance, comme, Il n'y a rime ne raison en ce que vous dites et faites, Absonum, absurdum, haud verisimile, dissitum, inordinatum, non cohaerens ac rationis iudiciique expers est quod dicis ac facis, Rimes en pluriel, se prend pour les vers et poëmes mesmes qui sont faits en rime, ce que l'Italien observe exactement, disant, Le Rime del Bembo, del firenzuola, Et comprend soubs ce mot toute sorte de rime, sonets, chansons, madrigauls, sestines, tiercets, et autres, mettant à l'opposite ce mot prose, comme Le prose del Bembo, del firenzuola, Par lequel il entend la composition vulgaire qui n'est en Rime, ce que Marot en une de ses Epistres au Roy a observé en ce vers, Afin qu'on die en prose, ou en rimant, Le François à present n'a pas en frequent usage ce mot en pluriel, Rimes, pour les vers ou oeuvres faites en rime, ce qu'il avoit neantmoins anciennement. Marot en une Epistre au Roy le prent en ceste signification. Car vous trouvez assez de rime ailleurs et, Mais moy à tout ma rime et ma rimaille. et, Elle prendra plaisir en rime oyant.
Thresor de la langue françoyse. Jean Nicot.